Préservation de la fonctionnalité d’un réseau de zones humides

Préservations zones humides Occitanie

Ce programme a pour objectif d’initier des actions de préservation des zones humides situées en tête de trois bassins versants de la partie orientale des Pyrénées.

Il vise trois grands axes de travail :
• Améliorer les connaissances sur la fonctionnalité de ce réseau de zones humides et sur le cortège d’espèces associées afin de mener une gestion adaptée ;
• Mettre en place des actions de gestion permettant l’amélioration de la connectivité entre les populations de Cuivré de la Bistorte ;
• Sensibiliser les usagers du territoire à la gestion des zones humides et à la trame turquoise tant sur le plan de la biodiversité que sur les usages associés.

Fonctionnalité réseau zones humides

Prairie de Bistorte à St-Pierre-dels-Forcats (66) ©Cindy Montech CEN Occitanie

Ce programme correspond à la mise en œuvre d’actions de préservation des aspects fonctionnels du réseau de zones humides situées en tête de trois bassins versants de la partie orientale des Pyrénées. Ce réseau de zones humides accueille notamment le Nacré de la bistorte, une espèce de papillon spécialiste, à distribution très fragmentée dans la partie sud de son aire de répartition et localisé dans les prairies humides non fertilisées, les marais tourbeux et les mégaphorbiais. On y trouve également le Cuivré de la bistorte, papillon rare et menacé, étroitement lié aux zones humides (trame bleue) et aux milieux périphériques (trame turquoise*). Ce dernier est une espèce parapluie**, intégrée au Plan national d’actions en faveur des papillons de jour et également espèce relique glaciaire inféodée aux zones humides à fort intérêt patrimonial et dont la plupart des populations pyrénéennes sont en forte régression. La préservation et/ou l’amélioration du bon état de conservation des zones humides qui accueillent ces espèces représentent une forte responsabilité pour les gestionnaires de ce territoire.

* la trame turquoise représente l’espace fonctionnel nécessaire à la bonne expression de la biodiversité aquatique et humide. Elle est considérée ici comme un corridor écologique – entre les masses d’eau, les milieux aquatiques et les zones humides périphériques ou ponctuelles – favorable à l’atteinte du bon état écologique et propice à la circulation des espèces. Plus simplement, c’est l’interface entre la trame verte et la trame bleue. Ces milieux abritent ainsi des espèces évoluant à la fois dans le milieu aquatique et terrestre.
** espèce parapluie : espèce dont l’étendue du territoire ou niche écologique permet la protection d’un grand nombre d’autres espèces par le fait de sa protection et des actions mises en place sur un territoire donné, en sa faveur.

Ce projet a été financé par l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse dans le cadre de l’Appel à projet « Eau & Biodiversité », la région Occitanie, la DREAL et par une contribution du réseau d’Electricité de France. Celui-ci repose sur un partenariat très riche entre six acteurs de la protection de l’environnement du territoire : l’ANA-CEN Ariège, la Fédération Aude Claire, le Parc Naturel Régional Pyrénées Catalanes, l’Office National des Forêts, l’Observatoire de la montagne d’Orlu et le CEN Occitanie. L’ONF est également partenaire technique du projet sur les aspects de connectivité et de gestion forestière et pastorale au sein des forêts domaniales et communales soumises.

Renouée bistorte, Bistorta officinalis ©Cindy Montech CEN Occitanie

Les zones humides sont des « terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre, de façon temporaire ou permanente, ou dont la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l’année. » – Article L.211-1 du code de l’environnement.

Il existe de nombreux types de zones humides : prairies humides, prairies paratourbeuses, forêts humides, tourbières et bas-marais, mégaphorbiaies… De par les processus naturels qui s’y déroulent, ces zones humides assurent différentes fonctions (hydrologiques, biogéochimiques et écologiques), les rendant indispensables au bon fonctionnement des bassins versants.

Ces milieux humides agissent comme amortisseurs du changement climatique. Fonctionnant comme des « éponges », ils absorbent et stockent l’eau, permettant ainsi de diminuer l’intensité de crues, des inondations et atténuent les épisodes caniculaires. En outre, en alimentant les nappes phréatiques et les cours d’eau, ils retardent les effets des sécheresses et préservent la ressource en eau, bénéficiable également pour l’élevage. Les zones humides captent également de grandes quantités de carbone, plus que les forêts. Ce sont bien entendu des réservoirs de biodiversité dont dépendent en Cerdagne, en Capcir et dans le reste des Pyrénées, de nombreuses espèces sauvages. Enfin les zones humides contribuent à la qualité de nos paysages tant prisés par le tourisme de nature.

Les zones humides nous rendent ainsi, de manière gratuite, un ensemble de services dit « écosystémiques ». Reconnues à leur juste valeur en 1971 via la convention de Ramsar, traité intergouvernemental servant de cadre à la conservation et à l’utilisation rationnelle des zones humides et de leurs ressources, elles sont protégées en France depuis 1992 par le Code de l’environnement (article L.221-1).

2.1. Réglementation des zones humides

La loi sur l’eau du 3 janvier 1992 a reconnu l’eau comme « patrimoine commun de la Nation » et a renforcé l’impératif de protection de la quantité et de la qualité des ressources en eau, dont les zones humides. Pour la gestion des eaux par bassin, elle prévoit de nouveaux outils : les schémas directeurs pour l’aménagement et la gestion de l’eau (SDAGE) et les schémas d’aménagement et de gestion de l’eau (SAGE). Par ce texte, les zones humides sont reconnues et définies pour la première fois par la loi (Article L.211-1 du code de l’environnement).
En France, le Code de l’Environnement dit :
Rubrique 3.3.1.0
Tous les travaux d’assèchement, de mise en eau, d’imperméabilisation, de remblais de zones humides ou de marais sont concernés par :

  • Une demande d’autorisation, si la zone asséchée ou mise en eau est supérieure ou égale à 1 hectare
  • Soumis à déclaration, si la zone asséchée ou mise en eau est supérieure à 0,1 ha, mais inférieure à 1 hectare.
Cuivré de la bistorte fonctionnalité zones humides

Cuivré de la Bistorte Lycaena helle ©Alexis Calard ANA CEN Ariège

Le Cuivré de la bistorte (Lycaena helle) est un petit papillon de la famille des cuivrés, protégé à l’échelle nationale par l’arrêté ministériel du 23 avril 2007. La sous-espèce présente dans les Pyrénées, Lycaena helle deslandesi, est classée « en danger » sur les listes rouges françaises, européennes et régionales. Elle est également inscrite sur les annexes II et IV de la directive Habitats/Faune/Flore.

C’est une espèce relique glaciaire* qui fréquente les prairies humides, marécageuses, mégaphorbiaies, bas-marais et bordures de tourbières. Les biotopes occupés par ce papillon abritent nécessairement la Renouée bistorte (Bistorta officinalis), sa plante hôte, indispensable au développement des chenilles. Les populations pyrénéennes occupent majoritairement des prairies humides oligotrophes (prairie à Molinie diversifiée, faciès à Canche cespiteuse et Jonçaie acutiflore). Ce sont des formations de type prairial avec un fort recouvrement et une végétation haute. L’unique génération de ce papillon vole globalement de début mai à mi-juin. Téléchargez la fiche espèce pour en savoir plus sur le Cuivré de la Bistorte. 

Découvrez également la fiche TVB Cuivré de la bistorte ainsi que la page internet dédiée au PNA Papillons de jour.

Nacré de la bistoire, Boloria eunomia ©Cindy Montech CEN Occitanie

Le Nacré de la bistorte (Boloria eunomia) est aussi une espèce relique glaciaire, protégée et inféodée aux zones humides. Ce papillon fréquente les prairies eutrophes et mésotrophes humides ou mouilleuses où pousse sa plante hôte, la Renouée bistorte. Son unique génération vole entre mi-mai et mi-juillet. Le Cuivré de la bistorte et le Nacré de la bistorte sont toutes les deux des espèces qui ont subi la raréfaction des zones humides, avec notamment le drainage des prairies humides et le fractionnement de leurs populations par la réduction et la perte de leurs habitats favorables. D’autres facteurs sont également problématiques tels que l’enrésinement des parcelles et un pâturage bovin inadapté (présence du bétail pendant la période de sensibilité des papillons) bien qu’extensif ou encore la déprise agricole provoquant la colonisation des milieux ouverts, dont les zones humides, par les arbres.

 

 

 

Cordulie arctique fonctionnalité zones humides

Cordulie arctique, Somatochlora arctica ©Baptiste Charlot CEN Occitanie

La Cordulie arctique (Somatochlora arctica), bien qu’elle ne soit pas strictement montagnarde, est une espèce qui se trouve essentiellement dans les régions montagneuses, où elle s’observe jusqu’à plus de 2000 mètres d’altitude (Grand & Boudot, 2006 ; Dijkstra & Lewington, 2007, in Merlet & Houard, 2012). Elle fréquente les tourbières à sphaignes acides à neutres, les zones de source, les dépressions herbeuses inondées, cariçaies, fossés, lacs et étangs, où elle se cantonne préférentiellement sur les franges tourbeuses.

 

 

 

 

 

Lézard vivipare, Zootoca vivipara ©A.Rondeau

Le Lézard vivipare (Zootoca vivipara) fréquente une grande diversité de milieux frais et humides (prairies humides, forêts humides landes hygrophiles, tourbières acides, abords de ruisseaux ou marécages). Espèce ectotherme, les périodes d’exposition au soleil occupent alors une place importante dans la vie de cette espèce. Pour cette espèce étroitement liée à des conditions fraiches et humides en matière d’habitat, le changement climatique représente une menace certaine.

* espèce relique glaciaire : espèce dont l’aire de répartition est très limitée en comparaison de sa dimension dans des temps plus anciens.

* espèce ectotherme : organisme ne produisant pas de chaleur, son écologie et sa physiologie vont directement dépendre de la température de son environnement

 

3.1. Cycles biologiques et phénologie du Cuivré de la bistorte

Cycle cuivré fonctionnalité zones humides

3.2 Statuts réglementaires des papillons de jour présents sur les sites

Nom scientifiqueNom CommunPNDHFFLRFLROcc
Lycaena helleCuivré de la bistorteArt.2Annexe II et IVENEN
Boloria eumoniaNacré de la bistorteArt.3 LCEN
Euphydryas auriniaDamier de la succiseArt.3Annexe IILCNT
Lycaena hippothoeCuivré écarlate  LCNT
Carterocephalus palaemonHespérie échiquier  LCNT

PN : Protection Nationale | DHFF : Directive Habitats-Faune-Flore | LRF & LROcc : Liste Rouge France et Liste Rouge Occitanie

Définition de la Liste Rouge : la liste rouge de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) est un indicateur pour suivre l’état de la biodiversité dans le monde. Elle constitue l’inventaire mondial le plus complet de l’état de conservation des espèces végétales et animales et s’appuie sur une série de critères précis pour évaluer le risque d’extinction de milliers d’espèces. Chaque espèce est alors classée dans l’une des neuf catégories suivantes : éteinte (EX), éteinte à l’état sauvage (EW), en danger critique (CR), en danger (EN), vulnérable (VU), quasi menacée (NT), préoccupation mineure (LC), données insuffisantes (DD), non évaluée (NE). La liste rouge se décline ensuite à différentes échelles (mondiale, nationale et régionale).

La classification d’une espèce ou d’une sous-espèce dans l’une des trois catégories d’espèces menacées d’extinction (CR, EN ou VU) s’effectue par le biais d’une série de cinq critères quantitatifs qui forment le cœur du système. Ces critères sont basés sur différents facteurs biologiques associés au risque d’extinction : taille de population, taux de déclin, aire de répartition géographique, degré de peuplement et de fragmentation de la répartition.

Améliorer les connaissances sur la fonctionnalité de ce réseau de zones humides et sur le cortège d’espèces associées à ces milieux en vue de mettre en place une gestion adaptée face au changement climatique. Mettre en place des actions de gestion permettant l’amélioration de la connectivité entre différentes populations de Cuivré de la bistorte. 

Sensibiliser les acteurs/usagers du territoire à la gestion des zones humides et à la trame turquoise tant sur le plan de la biodiversité que sur les usages associés.

Ce programme de conservation a eu pour ambition d’intégrer les enjeux du changement climatique dans les mesures de gestion réalisées et dans la mise en place de stratégies d’adaptation pour les activités socio-économiques du territoire tout en conservant la fonctionnalité des trames bleues et turquoises.

5.1. Vers une adaptation des stratégies de gestion face au changement climatique : les corridors

Un important travail de modélisation sur la connectivité pour le Cuivré de la bistorte a été mené dans le cadre de ce programme. Ce travail a également été réalisé pour le Lézard vivipare, le Nacré de la bistorte et la Cordulie arctique.

Ce travail a permis d’aboutir à une cartographie précise de la trame de déplacement du Cuivré de la bistorte ainsi que de ses espèces compagnes, utilisant les milieux humides et mésophiles. Les points de rupture de continuité ont été marqués ; ceux-ci correspondant à des secteurs où des actions de gestion peuvent être mises en place pour restaurer le corridor de déplacement.

Suite à ce travail, il a été nécessaire de se pencher directement sur les continuités écologiques à proximité immédiate de stations occupées par L.helle, plutôt que de chercher à reconnecter de larges sous-ensembles de zones humides dont seul une poignée hébergent encore le Cuivré de la bistorte.

Le Cuivré de la bistorte est amené à se déplacer en altitude en réponse au changement climatique. Les populations de chaque site devront gagner au moins 200 m d’altitude à l’horizon 2 100 pour trouver des conditions climatiques analogues à celles d’aujourd’hui. Les possibilités de déplacement sont représentées par les flèches vertes sur la carte ci-dessus (verte : déplacement réalisable sans intervention ; jaune : déplacement compromis sans travaux d’éclaircissement du corridor ; rouge : déplacement impossible sans travaux d’ouverture).

Les populations les plus basses sont les plus vulnérables, et sont celles qui nécessitent en priorité des mesures de gestion adaptées. Les stations pyrénéennes occupées en 2019 par le Cuivré de la bistorte peuvent être regroupés au sein de quatre secteurs : le Donezan, le Capcir, l’est et l’ouest de la Cerdagne.

Deux aides à la gestion pour la création de corridors en hêtraie sapinière et boulaie sapinière ont été créées, sous forme de fiches techniques :

6.1. Descriptif général

Ce programme de conservation a eu pour objectif d’impliquer les acteurs locaux dans la prise en compte des zones humides et des espèces ciblées par le projet. Une des actions phares a donc été de renforcer la collaboration avec les acteurs locaux du territoire (ONF, groupements pastoraux, communes, usagers du territoire, etc) pour préserver la trame turquoise. A l’échelle des Pyrénées-Orientales et de l’Ariège, un travail de concertation a donc été mené afin d’essayer de concilier les différentes activités (exploitation de la forêt, agriculture, tourisme, développement urbain) avec la conservation de ces milieux et des espèces associées, notamment dans le contexte de changement climatique.

6.2. Développement du travail partenarial et de la concertation

Plusieurs types d’évènements ont eu lieu pour mener ce travail de collaboration avec les acteurs du territoire, afin de sensibiliser les personnes ayant des liens directs ou indirects avec le réseau de zones humides, et la trame turquoise et ses espèces (groupes de travail par thématique et par territoire, réunions bilatérales, animation grand public et scolaire, colloques, sorties terrains, création de supports d’informations, etc.).

6.3. Aide à la gestion des zones humides

Dans le cadre de ce projet, les partenaires ont mis au point des fiches techniques permettant d’aider les acteurs du territoire à la gestion et à la conservation des zones humides et de la trame turquoise accueillant le Cuivré de la bistorte ainsi que ses espèces compagnes.
Ces fiches se veulent accessibles à tout type d’acteur qui pourrait être concerné et devrait mettre en place des actions d’étude, de gestion et/ou de conservation (agriculteurs, gestionnaires d’espaces naturels, propriétaires…).

Neuf fiches techniques sont disponibles, en libre téléchargement : 

Si vous avez besoin d’informations plus précises ou supplémentaires quant à la gestion des zones humides favorables au Cuivré de la bistorte, contactez les personnes référentes par département, la liste des personnes ressources est fournie dans l’encart 9.

Office Français pour la Biodiversité (OFB)

Gestionnaires de sites

DépartementsStructurePrénom NOMFonctionCoordonnées
66 et 11CEN OccitanieCindy MONTECHChargée de mission territorialecindy.montech(at)cen-occitanie.org
04.68.67.96.91
Lionel COURMONTResponsable territorialelionel.courmont(at)cen-occitanie.org
04.68.67.96.91
09ANA-CEN AriègeAlexis CALARDCoordinateur de la gestion conservatoire & chargé de mission patrimoine naturelalexis.c(at)ariegenature.fr
Florine HADJADJChargée d’étude patrimoine naturelflorine.h(at)ariegenature.fr

Opérateurs Natura 2000

DépartementsStructurePrénom NOMFonctionCoordonnées
09Observatoire de la MontagneJérôme ASPIROTResponsable de l’Observatoire de la montagne & animateur des sites Natura 2000 Quérigut-Orlu et Astonobservatoire.montagne(at)gmail.com
66PNR Pyrénées-CatalanesMarine DAIREChargée de mission Natura 2000 – site Capcir-Carlit-Campcardosmarine.daire(at)parc-pyrenees-catalanes.fr

Autre partenaire du projet :

Fédération Aude Claire – Loïc BREPSON – Chargé de mission Faune – recherche(at)audeclaire.org

Préservations zones humides Occitanie
Protection nature occitanie
Espèces Exotiques Envahissantes d'Occitanie
EDF engagement nature
Préservations zones humides Occitanie
Federation Aude Claire
PNR Pyrenees catalanes
Office nationale des forêts
Observatoire de la montagne logo